Alors que partout dans la critique gastronomique, on se veut healthy, juice addict, vegan et gluten free, voici que Martin Parr prend à rebrousse-cuillère notre petit monde. Avec le hamburger et la saucisse, tout ce qu’il y a de plus allemand et américain, le photographe en rajoute sur ces plats qui causent le diabète et qui, pourtant, font communauté comme le cassoulet dans le Sud-Ouest ou la choucroute en Alsace. Le hot dog serait alors une vignette américaine dans notre dictionnaire des plats.
Pour Clémentine Mercier (1), le flash incisif du photographe britannique, donuts passés à la brillantine rose, gâteaux en gelée, meringues farcies de colorants, figurines en pâte à sucre fluo, churros graisseux, sucettes rouge citrouille rivalisent pour obtenir la première place sur le podium de la chère à la plus dégueulasse. Il y a pourtant, devant chaque image, un vrai plaisir visuel pour celui qui adhère à l’esthétique pop. Gélatines visqueuses, chantilly à volutes, huiles dégoulinantes, ketchup luisant humectent le regard pour mieux nous faire avaler ces milliers de calories.
Ces photographies ne sont pas nouvelles, on les a d’ailleurs souvent collectionnées en magnets et cartes postales. Elles sont des clins d’œil à l’enfance : sandwichs, glaces, saucisses, frites évoquent ce moment culte et délicieux du film l’Aile ou la cuisse, où la pâte épaisse et lisse de l’usine Tricatel se déverse sur une carcasse de poulet pour finir aspergée par un pistolet de peinture. C’est sans doute depuis cette scène mémorable que la gélatine dans la rétine est devenue un plaisir visuel.
Pour Louise des Ligneris (2), Martin Parr se révèlerait anthropologue, dans le sens où l’on a ici la signature sociale des aliments. Ici, la culture est populaire, tout est tape-à-l’oeil, avec les couleurs artificielles. Mais ils n’en sont pas moins de notre patrimoine et les artistes ne les aiment que pour mieux montrer la sidération qu’ils exercent chez eux. Parr réussit le mariage de la culture fast food et de la pop culture. Comme une sorte de cuisine des lendemains de cuite, étonnamment savoureux (2).
(1) Voir l’article de Clémentine Mercier, Libération, 27-28 mars 2016
(2) Le goût du food porn, Les Inrockuptibles, 6 avril 2016.
Des goûts, Martin Parr, Phaidon, 208 p., 19,95€
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