Se nourrir : la banalité quotidienne de ce geste vient d’être brutalement interrogée par les récentes crises alimentaires qui ont ravivé chez le consommateur des peurs archaïques. L’innocuité des aliments ne saurait cependant suffire à les décréter “bons” à manger. Même si la plupart des pratiques alimentaires de nos contemporains semblent émancipées des législations religieuses, dans toutes les cultures, les repas impliquent de sélectionner des aliments et c’est hors tout motif religieux que les Coréens consomment la chair des chiens et les Français celle des grenouilles… C’est sans doute parce que la nourriture constitue l’archétype de tout ce qui est hors de l’homme et qu’il doit faire sien en l’incorporant que chaque religion a élaboré, à travers ses ouvrages sacrés, une manière “morale” d’avaler des parties du monde. Les prohibitions alimentaires évoquées dans le présent ouvrage concernent, de près ou de loin, presque deux milliards de chrétiens, plus de un milliard de musulmans, huit cents millions d’hindous et près de quatorze millions de juifs. Parce que l’acte de se nourrir, s’il s’effectue au présent ne cesse pour autant de se conjuguer au passé, il convenait d’interroger la rémanence, dans le rapport de nos contemporains à leurs nourritures, d’un héritage religieux dont sont pétries les différentes civilisations afin de relativiser les interprétations hygiénistes, médicales ou diététiques trop souvent privilégiées par les sociétés actuelles dans leur tentative de rationnaliser à l’excès le geste alimentaire.
Commander le livre
Food 2.0 LAB en partenariat avec Amazon
Du même auteur –