Cantine scolaire : la révolution silencieuse ?

4598181_cantoche_545x460_autocropC’est une évidence: l’école est le lieu privilégié pour permettre aux élèves d’acquérir de bonnes habitudes alimentaires. L’actuel renouvellement dans les collèges des services publics de restauration scolaire « durable » se concrétise progressivement, certes, de manière encore inégale selon les territoires.

Les départements ont mis en place d’exigeants processus de concertation autour du bien manger à l’Ecole, construits dans la durée : il s’agit de favoriser le dialogue entre les élus, les acteurs professionnels, les enseignants et les élèves et de faire émerger de nouvelles approches de l’éducation alimentaire.  Lls en œuvre sont-ils à la mesure des enjeux et des contraintes ?

L’éducation au bien manger: le service public territorial à la rescousse

Dans-une-cantine-scolaire-de-Sarthe-c-est-du-porc-ou-rienCette mise en place de services de restauration durable et conviviale dans les collèges est un projet à la croisée des politiques départementales. Elle recouvre, du moins dans les discours, divers objectifs et une batterie d’actions : sortir du repas vite expédié ; donner plus de temps à la pause du midi ; défendre la qualité de l’assiette ; privilégier  les fruits et légumes mais aussi les produits bio et les circuits courts ; favoriser l’éducation au goût ; garantir la traçabilité des aliments; encourager les achats groupés mais aussi la valorisation de l’espace et le réaménagement des cantines ; réfléchir à de meilleurs circuits de livraison, etc. Aux départements donc de déployer l’ambitieuse partition à travers des initiatives volontaristes, porteuses d’enjeux de société comme la justice sociale, l’accessibilité au bien manger du plus grand nombre, le développement de l’agriculture biologique,…

Une pause méridienne repensée

77030Prenons l’exemple du Val de Marne qui depuis 4 années a mobilisé l’ensemble des parties prenantes de la restauration scolaire dans un processus de concertation ayant abouti à la rédaction d’une Charte de la Restauration définissant les grandes orientations pour une Pause Méridienne de qualité, à savoir : un produit bio par jour, une commission menu, un cahier de suggestions, des actions autour du tri des déchets. Si l’appropriation de cette charte par l’ensemble des écoles du département du Val de Marne semble effective, leur aménagement appelle des dépenses que d’autres départements ne peuvent pas encore couvrir (surtout sans une volonté politique forte).

Car un processus de concertation demande de mettre en place des actions de longue portée: des ateliers d’échanges des bonnes pratiques entre chefs de cuisine et, de là, une mise en réseau concrète; la valorisation et la montée en compétence, pour ne pas dire la professionnalisation des agents de cuisine; la mise en œuvre d’une logique d’achat durable et de qualité (notamment avec la constitution d’un groupement de commandes) ; la reconquête des publics éloignés de la cantine et donc une patiente discussion avec les familles (souvent les plus démunies), etc. On comprendra le rôle central des directions d’établissement en termes de dynamique collective et de suivi.

Le Val de Marne a aussi mis à l’agenda de son action publique les questions de l’accueil, des espaces personnalisés (bars à épices, salade bars, etc.) mais aussi de l’éducatif pour sensibiliser les collégiens au bien manger, en impliquant ces derniers de diverses manières – ainsi, dès 2012, en les intégrant à la consultation, en amont du projet de « reconstruction publique de la restauration dans les collèges »; en les sensibilisant aux circuits courts et à la politique départementale de protection et de valorisation de l’Agriculture urbaine; en les invitant à penser les menus,…

La réforme parisienne: objectif 2018 !

77032A Paris, la démarche est de même une démarche consultative mais certainement plus explicitement centralisatrice car elle remet profondément en question l’ensemble du système de restauration scolaire en place. Actuellement, 135 000 jeunes parisiens fréquentent chaque jour les cantines scolaires (près de 80% des élèves): leurs repas sont conçus, préparés, servis, facturés par 20 Caisses des Ecoles parisiennes (créées par la  loi du 10 avril 1867). Mais cette organisation a du plomb dans l’aile: les Caisses sont dénoncées comme inégalitaires (dans la qualité, dans les coûts d’achat, dans la facturation des repas, etc.) mais aussi assez peu coopératives entre elles… Le « problème » discuté en ligne le plus emblématique porte sur les produits bio: si le 2ème arrondissement en propose 75%  dans ses espaces scolaires, d’autres arrondissements ne dépasseraient à peine que les 3%.

La réforme de ce système, présentée officiellement par la Maire de Paris aux familles par courrier fin avril 2016, se donne une diversité d’objectifs (que certains dénoncent déjà comme autant d’effets d’annonce): améliorer la qualité des menus et celle du  service sur l’ensemble du territoire parisien; rechercher à la fois l’équité et  les économies; augmenter la part d’alimentation « durable » et/ou « bio »; favoriser les démarches administratives; améliorer les conditions de travail du personnel; permettre aux petits producteurs d’accéder plus encore à la commande publique…. Pour répondre à tous ces enjeux, un nouvel établissement public parisien de la restauration scolaire commun aux 20 arrondissements devrait être créé en 2018. Cet établissement s’inscrirait dans le « Plan alimentation Durable » qui a été voté l’année passée (actualisant celui de 2010-2014), affirmant plus avant la volonté de consolider le soutien au développement et à la structuration de filières d’agriculture « biologique et durable ».

77035D’ici 2018, la consultation avec les parents va donc se poursuivre et devoir répondre aux diverses réserves qui s’énoncent déjà tant de la part des parents d’élèves (certains pensant que cette recentralisation participe à une standardisation),  des producteurs (s’inquiétant de la compatibilité entre logique Bio et restauration industrielle … mais aussi d’avoir à fournir autant de repas par jour) que des élus (dont certains, certes de l’opposition, mettent en doute la sincérité de la réforme: pour illustrations, la récente lettre ouverte à Madame la Maie d’une élue du 5ème arrondissement ou encore ces dénonciations en ligne de l’ombre portée d’Elior dans les choix de gestion avancés). On l’aura compris, le sujet des cantines scolaires (et plus précisément celui de  la réforme) s’affirme aussi comme un enjeu politique.

Un débat à continuer …

Ainsi, nombre de questions se posent et quelques zones d’ombre appellent éclaircissement : il ne s’agit pas de dénier la pertinence des ces actions (à l’évidence nécessaires et attendues) 77033mais plutôt de les conforter de manière réaliste: comment articuler tous ces choix vertueux à la réalité des pratiques alimentaires familiales ? Comment impliquer durablement l’ensemble de la chaîne locale de l’alimentation sans penser à une rétribution honorable des producteurs? Comment penser la restauration scolaire dans les Lycées et dans les Universités ? Car tous les élèves, de la maternelle à l’Université sont concernés: si nombre  de ressources éducatives visent le niveau primaire et actuellement plus visiblement les collèges, l’éducation à l’alimentation saine appelle, à chaque étape, des initiatives renouvelées…

Le débat est ouvert et nécessite une articulation non seulement entre les différents lieux de l’éducation, entre les diverses ‘parties prenantes’ (sans oublier les industries agroalimentaires et les producteurs) mais aussi entre les différents temps et espaces de consommation.

 

Dominique Pagès est membre de FOOD 2.0 LAB et chercheur au CELSA-GRIPIC- Paris Sorbonne.

Pour en savoir plus :  http://www.paris.fr/restaurationscolaire

 

 

 

 

 

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