Michaël Bruckert a effectué ses recherches de doctorat sur les recompositions du statut de la viande en Inde, dans l’Etat du Tamil Nadu. Si en Inde, la viande reste marginale, sa consommation est régulée par des logiques religieuses, morales, médicales ou économiques. Ses réseaux d’approvisionnement sont structurés par des contraintes écologiques et techniques mais aussi sociales et symboliques. Les abattoirs sont des lieux de conflit sur les usages et les significations des produits carnés. La visibilité des boucheries dans l’espace public est fortement contrôlée. Aujourd’hui, la viande, notamment celle de bœuf, devient un aliment politique, support de revendications identitaires. Mais l’urbanisation, l’industrialisation et la connexion à l’espace-Monde modifient progressivement le rapport des Indiens à la viande. La massification des circuits carnés ne peut être niée. Les exportations de viande de buffle s’envolent.
Au restaurant, la consommation de viande, notamment de poulet produit de façon intensive, devient pour la classe moyenne de Chennai une pratique statutaire. Pour autant, la transition alimentaire parfois prophétisée apparaît être une hypothèse erronée. La banalisation de la viande, circonscrite dans l’espace, va de pair avec une extrême différenciation des pratiques, en fonction des types de viandes, des individus, des contextes. En Inde, le rapport à la viande, véritable « substance biomorale », contribue à dessiner des géographies matérielles et idéelles, façonnant des territoires et des circuits, définissant des distances réelles ou symboliques entre les hommes et les animaux ou entre les groupes sociaux.
Publications universitaires récentes :
- “La ‘transition alimentaire’ de l’Inde : une hypothèse erronée ? Le changement alimentaire au prisme de la consommation de viande” in Cahiers d’Outre-Mer, n°268, oct-déc 2014, pp.373-394
- “Boeuf en Inde, porc en France : à propos d’une bien illusoire et trompeuse identité alimentaire nationale”, Entretien avec Michaël Bruckert, Agrobiosciences, 9 novembre 2015.