Légumineuses (1): approche communicationnelle de l’année internationale 2016

legumineuses 2Pour cette année internationale des Légumineuses (acronyme AIL) proclamée lors de la 68ème Assemblée générale des Nations unies et lancée opérationnellement par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), fleurissent de par le monde des évènements célébrant cette catégorie alimentaire (qui regroupe les plantes dont les fruits sont contenus dans des gousses tels haricots, lentilles, fèves, pois, pois chiches mais aussi 1900 espèces recensées et plus de 700 genres identifiés). Chacun de ces évènements cherche à sensibiliser à sa manière l’opinion publique aux avantages écologiques et nutritionnels des légumineuses… mais pas seulement.

La FAO (www.fao.org) a donc été désignée pour faciliter la mise en oeuvre de cette année en collaboration avec les gouvernements, les organisations compétentes, les organisations non gouvernementales et autres parties prenantes concernées. Reprenant les messages clés définis par l’ONU, elle élabore et/ou fédère des supports et des actions de communication, appelant toute notre attention.

Récits de graines…

L’approche communicationnelle de cette année est à l’évidence centrale car les légumineuses, consommées pourtant depuis des millénaires, restent encore mal connues et assez peu populaires, du moins dans les pays occidentaux (malgré la tendance BIO). De là, l’intérêt à se focaliser sur les discours et les dispositifs qui participent à leur reconnaissance et à leur réhabilitation.

Les arguments avancés par la FAO (pour leur promotion et leur célébration) s’enrichissent, se complexifient, oscillant entre volonté de convaincre et désir de séduire. Les légumineuses sont présentées comme une des clés pour atteindre la sécurité alimentaire: elles contribuent à la santé humaine ainsi qu’à la lutte contre la faim, la malnutrition. Demandant une transformation minimale, elles ne gaspillent pas, elles ont une faible empreinte carbone; elles fertilisent naturellement les sols et constituent une source peu chère de protéines et de minéraux, riches en glucides complexes et en fibres alimentaires tout en étant adaptables dans des environnements peu amènes.

En amont des évènements liés à cette année, se déploie une argumentation avant tout scientifique mais que les dispositifs de médiation locaux reprennent, en l’enrichissant de charges affectives, esthétiques et patrimoniales, réanimant et actualisant d’anciennes mythologies.

Les supports et actions de communication mis en oeuvre sont, comme pour chaque année internationale, pléthoriques. Ainsi, la FAO a édité un livre « Légumineuses : des graines pour nourrir l’avenir » (sous titre : Action plan for the International year of Pulse) présentant des recettes, des faits et des histoires sur les légumineuses. Un site a été créé. Une diversité de fiches d’information sur les légumineuses contribuant à améliorer la santé, la nutrition, la biodiversité, la sécurité alimentaire et la capacité d’adaptation au changement climatique. A cela s’ajoutent des brochures, telle : « Un voyage à travers toutes les régions de la Planète et recettes de certains des chefs les plus prestigieux du monde » ainsi que la mise au point d’une base de données mondiale sur les légumineuses.

Fabriquer de belles images ou actualiser une poétique ancestrale ?

Depuis une dizaine d’années, s’affine cette promotion des légumineuses, passant d’une information écologique à des récits plus enchanteurs. Ainsi, pour rappel, le CLUSTER des Fruits et des légumineuses installé au cœur de l’Exposition universelle milanaise de 2015 : ce cluster offrait une scénographie pluri-sensorielle, sur l’histoire et les légendes de ces produits, mettant en valeur dans un jeu de passages, d’ombres et de lumières, la diversité des catégories de plantes à fruits, invitant les visiteurs à parcourir des parcelles cultivées. Le processus d’esthétisation et de mise en récit était déjà à l’œuvre.

D’un événement l’autre

Le site de la FAO répertorie les évènements dédiés au légumineuses à travers le monde. Pour cet été, êtes-vous invités en Turquie pour le  ChickPea Field Day (au Black Sea Agricultural research Institute, Samsun) ou au National Edible Grain Legumes Field Day (Eskisehir), à vous rendre en Russie pour l’Intergalactic Pea Festival (un évènement associant exposition, rencontres, concert), etc. A la rentrée, vous pourrez passer par Arpajon pour sa Foire aux haricots (grande fête populaire depuis 1932).

Pulse Canada (http://www.pulsecanada.com/)

Pour cette Année 2016, le Canada qui est l’un des plus grands producteurs de lentilles et de pois secs au monde a construit une offensive et ambitieuse stratégie de communication, via Pulse Canada. Lle Musée de l’Agriculture et de l’Alimentation du Canada propose (avec la Société des musées des Sciences et technologies du Canada) une exposition itinérante: « Les légumineuses : le partenaire idéal », cherchant à « sensibiliser la population aux bienfaits des légumineuses pour la santé globale ainsi que pour la santé de la planète ». Tournant durant l’année dans les grandes villes canadiennes, elle semble être une référence pour nombre d’initiatives européennes.

Cette exposition itinérante s’intéresse aussi aux tendances de leur consommation et utilisation, à leurs qualités culinaires, sensorielles, étudiant leur chaîne de valeur et tentant de les sortir des représentations vieillottes qui les caractérisent. De l’argumentation nutritionnelle à la valorisation gastronomique, les médiations mises en place cherchent donc bien à transformer la perception de ces végétaux, à réhabiliter voire à anoblir ces aliments.

En France, une dispersion d’initiatives ?

La Fédération Nationale des Légumes secs a lancé une campagne de communication sur le thème Les supers légumes secs, afin d’amener les consommateurs français à les adopter. Au niveau local, au hasard de médiathèques, se dessinent des appropriations plus situées : ainsi de LocMaria-Pouzané (Finistère), avec son exposition sur Les légumineuses, de la terre à l’assiette, à la Mairie des Sables-d’Olonne (Vendée) ou à celle de Claix (Isère) qui exposent les vertus des légumineuses, des recettes locales et revenant à des représentations inscrites dans une histoire. Si les enjeux sont communs, les démonstrations culinaires et les dégustations thématiques, s’ajoutent aux ateliers-semis et aux débats participatifs. Une nouvelle gastronomie se dessine autour des légumineuses : cassoulets, soupes et tajines, salades et potées, témoignant de l’effort à inscrire ces aliments jadis du pauvre dans les tendances contemporaines.

 

Dominique Pagès est membre de FOOD 2.0 LAB et chercheur au CELSA-GRIPIC- Paris Sorbonne.

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