Le Fromage et les vers a révélé, en 1980, Carlo Ginzburg qui présentait ainsi son travail : ” le livre raconte l’histoire d’un meunier du Frioul (Italie), Domenico Scandella dit Menocchio, qui mourut brûlé sur l’ordre du Saint-Office. Les dossiers des deux procès tenus contre lui à quinze ans de distance nous livrent un riche tableau de ses pensées et de ses sentiments, de ses rêveries et de ses aspirations.”
Le Fromage et les Vers est alors devenu l’ouvrage emblématique d’un courant historiographique qui s’est développé en Italie et dans les travaux anglo-saxons depuis les années 60 : la microhistoire, qui part de l’analyse des individus et de leurs stratégies pour faire émerger les pratiques sociales et culturelles.
L’ouvrage constitue en fait une passionnante enquête où l’auteur montre comment le meunier se construit une vision personnelle du monde qui scandalise les autorités ecclésiastiques : « Tout était chaos, c’est-à-dire terre, air, eau et feu ensemble ; et que ce volume fit une masse, comme se fait le fromage dans le lait et les vers y apparurent et ce furent les anges… » A travers le discours produit par Menocchio devant ses juges, on découvre comment la lecture d’ouvrages qui circulent à l’époque (Bible en langue vulgaire, Décameron, etc.) est interprétée par le protagoniste – qui sait lire et écrire – à partir d’un ensemble de croyances paysannes. Pour Ginzburg, les sources traditionnelles de l’histoire ont l’inconvénient de n’évoquer que la « culture des vainqueurs », celle des personnages dominants et lettrés.
Les procès de l’Inquisition, ces « archives de la répression » selon sa propre expression, peuvent constituer un moyen d’accéder à la culture populaire, encore fortement imprégnée, à la fin du Moyen Age, de rites et de mythes païens.
Mots Clé : microhistoire, italie, religion, inquisition, histoire des mentalités, fromage